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Yandé Codou Sène : La Flamme Intemporelle de la Culture Sérère

Photo de Yande cODOU SENE

Yandé Codou Sène : La Flamme Intemporelle de la Culture Sérère

Yandé Codou Sène : L'Écho Enchanté de la Culture Sérère

Photo de Yande cODOU SENE

Au cœur du pays sérère, là où les traditions prennent racine dans la parole transmise et chantée, s’élève la voix légendaire de Yandé Codou Sène. Née en 1932 à Somb, dans le Sine-Saloum, cette cantatrice hors pair ne fut pas simplement une artiste : elle incarna l’âme vibrante de tout un peuple. Griotte de naissance, elle fut aussi poétesse, gardienne des traditions orales, et dépositaire du verbe sacré des ancêtres.

Très tôt bercée par les chants de sa mère Amadjiguène Gning, Yandé Codou grandit dans un univers où chaque mélodie portait l’écho des lignées et des mythes. Sa voix rauque et envoûtante ne chantait pas seulement la beauté ou la douleur ; elle ressuscitait la mémoire. Véritable archive vivante, elle assurait la transmission des valeurs, des récits historiques et des épopées fondatrices de la culture sérère.

Dans la tradition sérère, le griot ne se réduit pas à un simple musicien. Il est un passeur de mémoire, un médiateur entre les mondes visibles et invisibles. Yandé Codou Sène en fut l’exemple le plus éclatant. Elle chantait lors des moments les plus solennels – mariages, funérailles, initiations – reliant les vivants aux ancêtres dans une cosmogonie propre à son peuple.

Son art ne s’apprenait pas ; il se révélait. Elle ne composait ni n’écrivait ses chants : elle les rêvait. Ses paroles, profondes et inspirées, éduquaient, éveillaient, élevaient. Sa voix, dit-on, était une prière offerte au ciel, un cri d’identité, une cathédrale sonore taillée dans l’écho immémorial des peuples africains.

La griotte du poète-président

Yandé Codou Sène fut aussi l’ombre mélodique de Léopold Sédar Senghor, président poète et chantre de la Négritude. Leur relation transcendait les protocoles. En tant que griotte attitrée du président, elle fut la seule à pouvoir interrompre ses discours pour entonner un chant. Elle le célébrait, non pour flatter l’homme d’État, mais pour lui rappeler son enracinement, son identité profonde, son appartenance à la terre de Joal.

Dans le projet culturel de Senghor, Yandé Codou incarnait la dimension vivante de la tradition africaine, cette tradition qui résiste à l’érosion du temps et qui constitue le socle de toute modernité authentique. Par sa voix, la Négritude prenait chair. Elle ne se lisait plus seulement dans les anthologies : elle se chantait, elle vibrait.

Une institution vivante

Ce n’est qu’en 1995, à l’âge de 65 ans, que Yandé Codou Sène fait une entrée remarquée dans l’industrie musicale, grâce à Youssou N’Dour avec l’album « Gaïndé ». Ce disque révéla au monde une voix ancestrale, trempée dans la sagesse et la spiritualité. Dès lors, elle devint une référence pour les grandes figures de la musique sénégalaise comme Omar Pène et bien d’autres.

Mais malgré cette reconnaissance tardive, jamais elle ne céda aux artifices du succès. Fidèle à l’austérité sacrée de son art, elle demeura enracinée dans ses valeurs, dans sa terre, dans sa fonction. Elle enseignait à ses petits-enfants le battement du tama, leur transmettait les codes de la dignité, de la droiture, et de la fierté culturelle.

Une bibliothèque s’est couchée

Yandé Codou Sène s’est éteinte le 15 juillet 2010 à Gandiaye, laissant derrière elle un legs inestimable. En elle, c’est une bibliothèque de chants, de savoirs et de sagesse qui s’est couchée dans le sable. Mais sa voix ne s’est pas tue. Elle résonne encore dans les cœurs, dans les cérémonies, dans les mémoires. Sa fille aînée, Aïda Mbaye, perpétue aujourd’hui cette tradition orale, gardienne à son tour d’une flamme que rien ne saurait éteindre.

En rendant hommage à Yandé Codou Sène, c’est toute une Afrique enracinée, fière et spirituelle que nous célébrons. Elle fut la clef de voûte d’un édifice culturel, une femme d’exception, une voix sacrée qui continue, par-delà la mort, de chanter la grandeur d’un peuple.

Yaasam o Yaal oxé ă fadnine na mbeel ala aladiana 🙏🏾👏