Le « Ndut » Sérère : Préservation d’une Éducation Millénaire
Toutes les sociétés éduquent leurs enfants selon un ensemble de critères qui définissent leur conception de l’homme et leur vision de l’Univers. Dans les sociétés traditionnelles, le rite et l’initiation restent des constantes sur le plan éducationnel. Mais les religions Abrahamiques et l’école ont tendance à anéantir l’éducation initiatique dans les pays qui ont subi le fait colonial.
Malgré l’action négatrice des religions et de l’école, le rite et l’initiation ont survécu à ce phénomène historique dans plusieurs groupes ethniques, en particulier les Sérères. Le « Ndut » ou éducation initiatique demeure un système éducatif sérieusement employé dans les communautés sérères.
Ndut : Une Tradition Ancestrale Vivante
Les Sérères, un peuple avec des traditions riches et uniques, perpétuent le rite d’initiation « Ndut » depuis des temps immémoriaux. Cet ancien rite, obligatoire pour devenir un homme au sein de la communauté sérère, est jalousement préservé et fait partie intégrante de leur identité culturelle.
Organisation du "Ndut"
Le rite d’initiation « Ndut » est soigneusement organisé, avec des rôles bien définis. Le « Koumakh » est le chef suprême, prenant toutes les décisions importantes. Le « Kalma » est son second, et le « Yayu Njuli » est la figure maternelle des initiés. Les « Selbés » surveillent et encadrent les initiés tout au long du processus
La célébration du "ndut"
Le « Ndut » est bien plus qu’un simple rite d’initiation ; c’est aussi un moment de célébration, de retrouvailles et de fêtes qui unit les communautés sérères. Le retour des initiés est l’occasion d’une immense allégresse, une ambiance de jubilation qui éclipse la quiétude habituelle des villages. Hommes, femmes et enfants quittent temporairement leurs foyers pour converger vers les places publiques, centres de ces événements grandioses.
Les festivités commencent dès la veille de l’ouverture du « Ndut ». Les candidats à l’initiation, mystiquement préparés par leurs parents et le « koumakh », passent la nuit à dans la brousse. Le lendemain matin, enveloppés a nouveau dans des pagnes blancs symboliques, ils se dirigent, accompagnés par des encadreurs enthousiastes:les Selbés, vers la maison du « Koumakh ». Après un bain spirituel, ils se dirigent vers la place publique, où le son des tambours résonne comme une mélodie ancestrale. Ils effectuent des tours autour de l’arbre sacré du village, sous les yeux de l’ensemble de la communauté, toutes classes d’âges et sexes confondus. La liesse est palpable, ponctuée par des coups de fusil, supposés éloigner les mauvais esprits.
Le retour des initiés dans leurs villages est l’apogée des festivités. Une grande fête est organisée sur la place publique, avec chants et danses. Les initiés répètent quatre fois le rituel des tours autour de l’arbre sacré, sous les acclamations et les cris de joie de la population. Les coups de fusil résonnent à l’unisson. La cérémonie est suivie de prières et de remerciements dans les maisons des différents figures emblématiques du « Ndut ». De retour dans leurs familles respectives, des fêtes grandioses sont organisées en leur honneur. On ne lésine pas sur les moyens : bœufs, moutons, chèvres, volailles, tout est sacrifié en fonction des possibilités de chacun.
Festivités et Coutumes
Le retour des initiés est l’occasion de grandes célébrations, avec des festins, des danses et des remerciements. Ces moments de joie et de retrouvailles durent souvent plusieurs jours. L’importance du « Ndut » est ancrée dans l’identité culturelle sérère, et les fils des communautés sérères, où qu’ils se trouvent, reviennent pour participer à ce rite ancestral qui régule chaque étape de la vie.
L'Initiation Comme École de Vie
Le « Ndut » n’est pas seulement un rituel, c’est aussi une véritable école de vie. Les initiés apprennent des valeurs cruciales telles que le courage, la patience, l’endurance, la solidarité, la responsabilité, l’obéissance, l’humilité, l’abnégation et la réserve. Ils sont également instruits sur le respect de soi et des autres, en particulier des parents et des anciens.
L’initiation « Ndut » est incontournable pour tout jeune aspirant au respect dans la société sérère. Les initiés deviennent des hommes mûrs, prêts à fonder une famille et à assumer leurs responsabilités. Un non-initié n’a pas le droit de s’asseoir ou de parler avec les adultes de sa communauté et ne peut pas assister aux réunions du village
À travers les âges, le « Ndut » a forgé des générations de Sérères, les guidant sur le chemin de la responsabilité, de l’humilité et du respect. Il a tissé des liens forts entre les membres de notre communauté, renforçant ainsi notre unité.
Le « Ndut » est profondément ancré dans l’identité culturelle sérère. En dépit de l’implantation de l’Islam et des influences modernes, les villages sérères, a l’instar de Fayil , Sakhor , Dioffior , Yayeme , Mar fafaco……. préservent avec fierté ces nombreuses traditions qui régulent chaque étape de la vie. L’importance de ce rite initiatique se reflète dans l’engagement des Sérères à revenir des quatre coins du monde pour se ressourcer à la source de leurs traditions.
Que le « Ndut » continue d’éclairer nos chemins et de symboliser la force de notre culture sérère.
4 commentaires